Dmitri Kourliandsky : laboratoire de l’opéra imaginaire

Composer un opéra – composer ce qu’est l’opéra. L’histoire de l’opéra est une histoire de réforme, qui conduit à un rejet de l’opéra, y compris son entrée dans le théâtre musical. Vidéo-opéra, opérainstallation, performance, opéra-instruction, non-opéra, etc. – des stratégies d’abandon qui préservent néanmoins un dialogue avec l’opéra. En même temps, ce mouvement permet d’inclure le non-opéra original dans le champ de l’opéra.

Opéra – ce que le compositeur/auteur appelle « opéra ». Il suggère que l’oeuvre/le sujet/la situation/le processus soient considérés dans la perspective de l’opéra.
Ce à quoi l’opéra est associé : théâtre/musiciens/solistes/libretto/metteur en scène/scénographie/costumes/lumières/audience/plateau de jeu/durée/billets/histoire du genre de sa création à nos jours, etc.

L’installation/affirmation de l’absence d’un composant (ou de tous les composants) est une façon d’affirmer leur présence. Un jardin de pierres, dont l’essence est la pierre invisible.
La pensée naît dans le doute. Le  » je pense, donc j’existe  » cartésien est plus exact : je doute, donc j’existe, car le cartésien identifie le doute à la pensée. Par le doute, le sujet du doute est réalisé.

La confession, en revanche, objectivise, privant la possibilité de dialogue. Nous savons tous ce qu’est l’opéra. L’opéra est un objet avec ses propres attributs (énumérés cidessus).

Ces attributs dictent souvent des solutions. En se soumettant à leurs dictats, en les suivant, le compositeur reproduit l’opéra comme la somme de données (historiquement conditionnées). Par ce dictat, l’objectivité de l’opéra se transforme en subjectivité, tandis que par la subordination, la subjectivité du compositeur se transforme en objectivité. Si la subjectivité des deux parties est préservée, les voies d’un dialogue constructif vivant s’ouvrent. C’est là que l’éthique des relations interpersonnelles entre en jeu. Autrement dit, la composition (d’opéra, de musique, de texte, etc.) est un dialogue interpersonnel, et la culture du dialogue devient applicable à la composition (attention, respect, critique – ou suppression, humiliation).

Revenons au doute : cette action est spéculative, c’est-à-dire que son  » site d’action  » est la conscience, l’imagination. La composition (comme une des pratiques du doute) a lieu dans l’imagination. L’opéra imaginaire est celui qui se réalise dans la conscience, avant ou malgré son incarnation concrète. Exemple : une cuillère (qui pourrait être n’importe quel autre objet/apparition/événement/…) comme un opéra. C’est-à-dire la proposition de voir, de percevoir la cuillère dans le contexte d’un opéra. La dé/recontextualisation d’un objet/apparition/événement/… est réalisée par la délégation du contexte. La (non)pipe de Magritte ou la fontaine de Duchamp sont des exemples classiques de dé/recontextualisation. Ces oeuvres s’avèrent être des déclencheurs de doute/réflexion – qui se déploient depuis des décennie s et n’ont pas perdu leur inertie.

Dans le cadre de l’académie, je propose plusieurs axes de recherche créative :

1. Une analyse des œuvres présentées à l’académie dans la perspective d’un dialogue avec la tradition.
2. Développer et discuter des stratégies individuelles d’opéra.
3. Présentation des stratégies au sein du laboratoire de l’opéra imaginaire.